C'EST FORT LA FRANCE !

Presse et Blogs littéraires

Livres Hebdo, Jean-Claude Perrier :"Petit Pilou"

Mollat TV, Vidéo : " Paule Constant : C'est fort la France! "

La République des Pyrénées, Renée Mourgues : "La blanche plume Gallimard"

La Provence, Jean-Rémy Barland: "Paule Constant ou l'Afrique au cœur"

Babelio.com, Jean-Claude Bologne : "C'est fort la France ! de Paule Constant"

Le Républicain lorrain, Michel Genson : "Brousse"

La Tribune de Genève, Etienne Dumont :"Paule Constant retourne en Afrique avec C’est fort la France!"

L'Express, Marianne Payot : "La tribu des Blancs"

Le Nouvel Observateur, Claire Julliard : "Mme Bovary en Afrique"

La Revue, D.M. : "Bienvenue à Batouri"

France-info, Philippe Vallet, "Le livre du jour : C'est fort la France ! "

France-Inter, Paula Jacques:"Cosmopolitaine : C'est fort la France ! de Paule Constant"

Le Point, Valérie Marin La Meslée : "Retour au Cameroun"

The Lion, Pierre Schavey: "Plaisir de lecture : C'est fort la France !"

Le Figaro littéraire, Patrick Granville : "Faune africaine"

L'Hebdo, Isabelle Falconnier : "Et vive la France"

Pèlerin, E. C. :"C'est fort la France ! de Paule Constant"

Le Soir, M. Py :"Deux versions d'une même réalité"

France 3. fr, Olivier Barrot :"Un livre, un jour"

Librairie Thuard, Jean : "C'est fort la France ! Paule Constant"

La Plume francophone, Sandrine Meslet : "Histoires coloniales"

L'Humanité, M.S. : "Les Afrique fantômes d'une dame blanche"

Nouvel Obs/Des livres et moi, M.D. Godfard : "Paule Constant, la bête à humour"

La Cause Littéraire, Theo Ananissoh : "C'est fort la France !, Paule Constant"

Le Courrier (Genève), Eugène Ebodé : "Paule Constant, l'espiègle"

Accents des Bouches-du-Rhône, C. C. : "Oui, c'est fort la France !"

Céline Malraux : "Mon livre du moment : C'est fort la France!"

Yassi Nasseri : "Les souvenirs de ma réalité"


Livres Hebdo, 23 novembre 2012. (original)

Petit Pilou

L'auteur d'Ouregano, Paule Constant, revisite son enfance, et son roman.

Le déclic de ce livre fut, semble-t-il, une lettre que reçut Paule Constant à la suite de la publication d'Ouregano, en1980. Son premier roman, où elle racontait son enfance africaine, passée dans un village du Cameroun où son père était médecin-chef militaire. Naturellement, comme tout écrivain, elle y mêlait éléments authentiques et fiction, et livrait le jugement de la petite fille qu'elle était alors sur les épisodes et les personnages de cette tragi-comédie sur fond colonial. Mais voilà que sa lectrice, où elle reconnut sans peine madame Dubois, veuve de l'administrateur minable du village, contestait sa version des faits, et ne reconnaissait pas, dans l'Ouregano de l'écrivain, le Batouri où elles s'étaient connues. Excellente occasion, pour Paule Constant, de revisiter les faits, de rétablir certaines "vérités", et, partant, d'inviter le lecteur à un jeu littéraire très prisé de nos jours : tenter de démêler le vrai du faux Le résultat donne C'est fort la France !, un nouveau livre virtuose dont le titre même indique la tonalité générale : pince-sans-rire.
A Batouri donc, dans les années 1950, il y avait les Constant, venus en Afrique par convictions humanistes et anticolonialistes, et qui ne vont pas tarder à s'affronter avec les tout-puissants Dubois. L'administrateur ridicule, caricature du petit fonctionnaire colonial, qui finira par mourir de son alcoolisme. Sa femme, pathétique, qui se conduit comme si elle vivait à Yaoundé ou à Dakar, alors qu'elle ne règne que sur un trou paumé de brousse au milieu de nulle part, et sur quelques boys qui la méprisent. Même Djébé, son préféré, qu'ils ont recueilli enfant et qui fait office de majordome. C'est lui qui dira un jour : "C'est fort la France !", pour faire plaisir à sa patronne en train de lui vanter quelque prodige de la mère-patrie.
Parmi les autres protagonistes, madame Tong, tenancière de bistrot et inventeur des fameuses ssandales, la famille Bodin, l'infirmier et sa tribu sauvage, semblables à des bonobos, Alexandrou, épicier à "La Ressource de l'Africains" et trafiquant notoire, ou encore le pasteur et sa femme. Un couple un peu bizarre, qui a décidé de vivre "à l‘africaine", avec les autochtones. Erreur fatale : ils se coupent des Occidentaux sans s'intégrer à la population, choquée. C'est d'ailleurs la mort du pasteur, au cours d'un accident de chasse mystérieux (provoqué ?), qui sonnera le glas de la petite communauté, préfigurant la fin de l'Empire français en Afrique.
Bien des années après, Paule Constant, que sa mère appelait "Petit Pilou", consent à revoir madame Dubois, à Paris, dans le sombre appartement de la rue Oudinot -juste en face de l'ex-"Ministère des Colonies"- où elle vieillit, confite dans ses objets d'Afrique, restes de sa splendeur passée.
Une femme qui, pensant servir la France, "avait tout faux", parce qu'elle ramait à contresens de l'histoire L'écrivain, en proie à une espèce de tendresse paradoxale, la suivra jusqu'à la fin, comme si elle enterrait ainsi définitivement sa propre jeunesse
C’est fort l’Afrique !

Jean-Claude Perrier

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Mollat TV, 11 décembre 2012.

Paule Constant : C'est fort la France ! (video, 4 min 24)

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La République des Pyrénées, 29 décembre 2012

La blanche plume Gallimard

Interview par Renée Mourgues

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La Provence, 4 janvier 2013. (original)

Paule Constant ou l'Afrique au cœur

L'Aixoise publie "C'est fort la France !", nouveau roman en forme de mentir –vrai

Tout d'abord, la couverture de C'est fort la France! nouveau roman que Paule Constant publie chez Gallimard. Une photo, où elle apparaît enfant tenant dans ses mains un oiseau. Ensuite une allusion directe à son roman Ouregano publié en 1980, auréolé des impressions enthousiastes d'un certain Jean-Marie-Gustave Le Clézio, prix Nobel de littérature. Enfin l'évocation de l'émission Apostrophes, où elle se retrouva en face d'un certain Jean Cau.
Tous les éléments autobiographiques se retrouvent d'autant plus réunis que l'auteur raconte qu'un jour, suite à cette émission télé, elle reçut une lettre d'une femme signant madame Dubois, lui reprochant de s'être moquée dans ce roman des "charmes de la vie coloniale".
On ouvre donc C’est fort la France! en se persuadant u'il s'agit d'une fiction en forme de récit intime, nourri d'éléments vrais tirés de l'existence de l'écrivaine aixoise. Raccourci rapide, qui fait oublier que souvent en littérature "je est un autre". Usant du mentir-vrai romanesque dans ce nouvel opus, Paule Constant invente et construit un monde plus vrai que nature. Ce en restant fidèle à l'idée que: "tout le travail du romancier est de donner une logique à des événements reçus dans le désordre" et en passant son temps à ordonner des situations ordinaires et contraires.
Roman passerelle et résurgences africaines
Point de lettre de Madame Dubois donc, une émission d’Apostrophes qui s’est passée autrement, mais un roman ample, qui est une plongée dans la vie de madame Dubois et dans ses vrais-faux souvenirs. En racontant le destin de cette femme épouse d’un administrateur du Cameroun, qu’elle est censée avoir connue enfant, la narratrice signe un texte passerelle entre tous ses autres livres. Il y est question de la souffrance du peuple africain, du martyre et de l'éloge des animaux (on en trouve des quantités de toutes les tailles), et des rapports que l’on entretient avec le monde des livres.
Grande lectrice de Pierre benoît, Madame Dubois semble une héroïne sortie d’une fiction de François Mauriac. Etranglée de solitude au départ, elle paraît insupportable de snobisme, mais au fil du récit elle devient touchante, voire bouleversante d’authenticité.
En s’inventant une autre enfance que la sienne, et en créant une foule de personnages hétéroclites, dont un inoubliable pasteur, et un peintre guide de conscience, Paule Constant décrit des lieux comme Batouri au Cameroun, dont elle restructure les contours géographiques.
Et elle signe un roman d'une beauté douloureuse. Un roman-monde en fait, qui sous des allures de comédie dramatique parle de la condition des femmes, de l'éternel désir d'amour des· humains, et de l’inaltérable quête de sens.

Jean-Rémi Barland


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Babelio.com, 19 janvier 2013.

C'est fort la France ! de Paule Constant

En 1980, le premier roman de Paule Constant, Ouregano, évoquant les souvenirs d'enfance d'une petite Française dans un village du Cameroun à l'époque de la colonisation, avait fait l'objet d'un plateau d'Apostrophes consacré à l'Afrique noire vue par les romanciers. À ses côtés, Jean Cau, Tierno Monénembo, William Sassine et André Brink, à partir de parcours différents, évoquaient des images contradictoires. Or, l'un des participants avait vécu à la même époque et dans le même village que la romancière, mais ne s'était pas reconnu dans un personnage de son roman. Il y a de quoi s'interroger sur la transmission de la réalité par la fiction. L'interrogation ne dure guère et les chemins se séparent. « Nous nous sommes croisés à l'intersection de deux routes qui nous ont conduits chacun ailleurs. »
Mais trente ans plus tard, une lettre outrée de la femme de l'Administrateur, lui reprochant d'avoir travesti la réalité, restitue soudain l'édifice immense du souvenir cher à Proust. Une rencontre permet de comparer les mémoires ; elle aurait pu tourner à la nostalgie postcoloniale ; elle enclenche au contraire une prise de conscience sur la mémoire et la littérature. « C'était comme si on m'avait redistribué les cartes que je connaissais mais que j'avais rangées dans le mauvais ordre », se rend compte la narratrice, que nous n'appellerons pas Paule Constant, la distanciation entre roman et réalité étant précisément au centre de ce livre. Ce qui pour elle n'était que des anecdotes pittoresques s'éclaire sous un autre jour. Un accident de chasse ne cache-t-il pas un meurtre ? le progrès, notamment médical, apporté par l'Occident n'est-il pas un leurre ? C'est une autre histoire qui se rebâtit alors avec les mêmes matériaux.
Cette interrogation sur la fiction romanesque reste très discrète dans ce roman, qui n'a nullement besoin de références aux précédents livres de l'auteur pour être lu avec délectation. Mais ce sont les pages qui marquent le plus, car elles soulèvent un problème fondamental pour l'homme : celui du regard, de la prise de conscience, du rapport à la vérité. La narratrice se rend compte qu'elle a fixé ses souvenirs par la voie littéraire : la « pauvre petite Pasteure » qui ne lui avait pas été utile a disparu de sa mémoire. Il y a pire que d'entrer à titre de personnage dans un univers romanesque, se dit alors la romancière, c'est de ne pas y entrer du tout, et d'être exclu de l'espace de fiction « aussi infime qu'il soit, parce que le seul ressenti comme vrai ». D'autres événements en revanche sont présents, mais ont été changés. Souci du politiquement correct ? Tel est le reproche que lui adresse l'administratrice, Madame Dubois. Non, répond la romancière, mais « souci de cohérence romanesque que la réalité observe rarement. » C'est « le travail des romanciers », de « donner une logique à des événements reçus dans le désordre. » Certes, mais n'y a-t-il pas une idéologie inconsciente derrière cette réécriture ?
Le plus touchant, dans cette prise de conscience, est celle de madame Dubois, qui apparaît en creux dans le dialogue, mais qui en a conservé une impression plus forte : entrant à l'hôpital pour ne plus en sortir, c'est la narratrice que la vieille dame, isolée, fait appeler à son chevet. « C'est ma romancière, elle seule sait ce qu'il faut faire, elle sait ce qui est bien pour moi. » Quel plus bel hommage la réalité peut-elle rendre à la fiction ?
Au-delà de cette réflexion, on appréciera, dans ce roman, la justesse avec laquelle sont reconstituées les atmosphères d'une époque et d'un lieu révolus. le lieu est Batouri, avec ses quatre collines qui « se narguent » comme les quatre châteaux forts du pouvoir blanc : l'hôpital, l'école, la résidence, l'orphelinat. Les invitations tournent de colline en colline, la nuit, « on devinait aux lumières qui les couronnaient l'intensité de la vie sociale des uns et des autres, les invitations auxquelles chacun se rendait puisqu'une colline particulièrement lumineuse entraînait du coup l'extinction d'une ou deux autres. » le temps est celui d'une Afrique à l'âge où se rencontrent deux mondes incompatibles. La nuit y est « un tunnel qu'il fallait franchir d'une seule traite. » On ne peut mettre un bras hors de la moustiquaire, un pied à terre, on doit attendre « au mieux le sommeil, au pire le jour ». Le médecin organise une dîner des lépreux pour prouver qu'il n'y a pas de contagion à craindre. La tenancière du bistrot y emploie une guenon comme serveuse. Elle décapsule les bouteilles de ses dents et ne comprend pas qu'on puisse commander autre chose qu'une bière…
Sur tout ce monde règne Madame Dubois, bien plus que son mari. Paule Constant en trace un portrait touchant, ni complaisant, ni moqueur. Celui d'une femme de petite bourgeoisie sincèrement éprise de son mari, consciente de son rôle et destinée à le remplir malgré tout. Au milieu d'un monde qui ignore tout de la culture occidentale, il faut faire comme si tout était normal, maintenir les traditions de la diplomatie française : « cette femme si courageuse passait son temps à banaliser le monde, à le réduire par la force des mots à un modèle lointain ». Oui, il faut savoir commander un vol-au-vent et une compote de pêches et reconnaître bien sincèrement ce qu'on a demandé dans ce qu'on vous sert. Oui, il faut acheter une ménagère en argent gravée aux initiales d'un René et d'une Françoise pour les faire passer pour des couverts au chiffre de la République Française. Oui, il faut pouvoir, en toute bonne foi, s'indigner du chapeau des visiteuses (« C'est une offense à la République. Ce n'est pas moi qu'elles viennent visiter mais la France qui les reçoit ») et se retrouver désarmée devant les bonnes âmes d'Europe, qui lui reprochent de ne pas parler africain, alors qu'il y a des dizaines de langues différentes dans la région et qu'il faut se résoudre au « petit nègre » pour être compris. Touchante, l'administratrice, avec son manuel de cérémonies pour les colonies, dont le chapitre intitulé « Recevoir un prélat en brousse » est du plus haut comique. Touchante, parce que la grande cérémonie à laquelle elle se prépare depuis toujours tourne au désastre et au rapatriement d'urgence. Et parce que toute seule dans une chambre de bonnes où elle continue à représenter la France, elle reste fidèle à une jeunesse que personne ne peut plus comprendre. le roman fonctionne parfaitement dans le décalage amusé, mais jamais méprisant, entre ces deux France qui ne peuvent se rejoindre. La phrase qui lui a donné son titre, remise dans deux contextes différents au début et à la fin de l'ouvrage, résume alors d'une façon foudroyante le grand malentendu qui s'est prolongé trente ans.

Jean-Claude Bologne

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Le Républicain lorrain, 20 janvier 2013

Brousse

Un Administrateur, un médecin-chef, une poignée d'autres petits fonctionnaires regroupés autour de l'hôpital et de la léproserie. C'est le modeste contingent de Blancs cantonnés à Batouri, minuscule poste de brousse perdu au fin fond du Cameroun, au temps joyeux de l'Afrique occidentale française. Autour d'eux, la maladie du sommeil décime les populations. Mais ils tiennent bon, vaille que vaille, ignorant le monde qui les entoure, continuant à jouer, de dîners en "goûters chapeaux", la comédie d'une vie à l'européenne, avec ses usages et ses masques. Ce jusqu'au drame, la mort du Pasteur encorné au cours d'une chasse au buffle.
Avec C'est fort la France! Paule Constant revisite de façon bien habile le village et le thème qu'elle avait abordés dans Ouregano, roman qui marquait son entrée en littérature. Elle imagine, des années plus tard, la rencontre fortuite entre la narratrice - elle-même - et l'un de ses personnages, Madame Dubois, épouse de l'Administrateur. Toutes deux vont confronter leurs souvenirs. Le tout débouchant sur une évocation féroce et drôle, attendrie aussi, de ces colons perdus, acharnés à faire vivre et durer "la fantastique histoire de la France, entre utopie nationale et légende dorée".

Michel Genson

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La Tribune de Genève, 22 janvier 2013

Paule Constant retourne en Afrique avec « C’est fort la France! »

La romancière se lance dans l’autofiction en réchauffant ses souvenirs. Peut-on voir la colonisation et sa suite d’un œil objectif?

C’est une scène d’un autre âge. Nous sommes au Cameroun, vers 1955. Dans la maison de l’Administrateur, pompeusement qualifiée de «Résidence», Madame Dubois tance son boy. La dame lui fait remarquer que les couverts sont «mis à l’anglaise.» Les pointes de fourchettes devraient reposer sur la nappe, lourdement amidonnée. «À la française, s’il te plaît». Madame Dubois semble d’ailleurs en représentation perpétuelle. Normal! Elle représente la France.
Cette image coloniale hante la narratrice de C’est fort la France!.Une écrivaine ressemblant fortement à Paule Constant, qui donne ce nouveau roman chez Gallimard. A la sortie de son premier livre, celle qui s’appelle ici Brigitte a reçu une lettre couverte d’une grande écriture verte. Il lui en est arrivé d’autres au fil des ans. Brigitte a mis du temps à comprendre qu’elles émanaient de Madame Dubois, rapatriée en métropole. La dame, désormais très âgée, lui reprochait de n’avoir rien compris à l’Afrique d’alors. De quoi susciter des curiosités et des doutes.

Doute généralisé
Des doutes, la narratrice en éprouve depuis longtemps. La bonne conscience de ses parents, médecins de gauche égarés dans la brousse, lui semblait aussi absurde que celle des colonisateurs. Brigitte va donc rendre visite à Madame Dubois chez elle, puis plus tard à l’hôpital. Elles vont beaucoup parler, ravivant des souvenirs n’ayant souvent rien de commun. D’où un doute généralisé. «Il n’y a pas de vérité, mais des points de vue», écrit Paule Constant à la fin de son ouvrage.
Il faut dire que le cas de Madame Dubois gêne un monde postcolonial jugeant désormais tout de manière manichéenne. Cette fille de paysans normands n’a simplement pas épousé le bon fonctionnaire. Si Monsieur Dubois avait été parmi les premiers de sa promotion, il serait resté au Ministère, à Paris. Quelques places plus bas au palmarès, il serait parti en Indochine. Un peu moins bien noté et c’eût été une capitale africaine. Seulement voilà! Devenu plus tard alcoolique, le monsieur s’en était mal sorti. Batouri, au Cameroun! Un endroit impossible, où la lèpre sévissait encore vers 1950.

L’abattage du buffle
Rien ne s’était bien passé dans ce trou, alors que Madame Dubois comptait ses petites cuillères en argent. Une désastreuse campagne de vaccination avait provoqué des gangrènes. L’abattage d’un buffle, coupable d’avoir tué le pasteur local, avait ravivé des haines tribales. Et puis la décolonisation était venue. Les Dubois avaient été lâchés par Paris. Il en est mort. Elle se bat depuis pour une rente de veuve. D’un seul coup, tout le monde est devenu anticolonialiste. Pour Madame Dubois, c’est comme quand la France entière s’était découverte résistante en 1944.
Le récit ne caresse pas l’opinion actuelle dominante dans le sens du poil. Il met, et consciemment, mal à l’aise. Il le fait d’autant plus que Paule Constant a longtemps vécu en Afrique, et que ce qu’elle dit du présent va déplaire. Comment se fait-il que l’ami camerounais de la narratrice enseigne les littératures francophones du Continent noir et qu’elle-même n’est censée parler à l’Université que d’écriture féminine? N’avons-nous pas engendré de nouveaux ghettos et de nouveaux racismes?

Passé revisité
Le lecteur est heureux de retrouver Paule Constant. La dame, qui approche de la septantaine, a finalement peu produit. Onze romans depuis 1980, date où elle publiait l’Ouregano africain servant de point de départ à cette nouvelle fiction. On se souvient que Paule avait reçu le Goncourt en 1998 pour Confidence pour confidence. Un livre curieusement assez faible. Elle n’avait plus rien publié depuis 2007.
Son récit actuel entrecroise, comme il se doit, le présent et un passé doublement revisité. Les souvenirs ne sont pas sûrs. Leur interprétation encore moins. L’écriture est simple. Factuelle. Elle coule. Bref, un bon roman.

Etienne Dumont

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L'Express, 30 janvier-5 février 2013

La tribu des Blancs

A partir de ses propres souvenirs africains d'enfant de la coloniale, Paule Constant tisse une fiction des plus réjouissantes.

Quel début d'année pour Paule Constant ! Acte I : la romancière d'Aix-en-Provence publie C'est fort la France ! , une superbe fiction, lointaine grande sœur de son tout premier roman, Ouregano (1980), fruit de son enfance dans l'Afrique des années 1950. Acte II : la lauréate 1998 de chez Drouant est élue à l'unanimité à l'académie Goncourt au fauteuil de Robert Sabatier, "un ami de trente ans"... "Le hors norme de l'Afrique ne peut s'appréhender qu'à travers l'humour", écrit sa narratrice. Paule Constant a bien retenu la leçon. Quoi de plus jubilatoire,de plus subtil que ce récit mettant en scène une poignée de coloniaux œuvrant au fin fond du Cameroun !
Batouri. A peine un village, entre savane et forêt, à quelque 400 kilomètres de Yaoundé, "riche" d'une léproserie, d'un hôpital et d'un orphelinat. C'est ici que règne, sur trois ou quatre tribus en conflit permanent et une petite colonie française hétéroclite, l'administrateur, Monsieur Dubois. Avec ses jambes courtes, son gros ventre et son penchant pour les alcools forts, le fonctionnaire au casque blanc ne porte pas vraiment beau. Reste que Madame Dubois tient à son rang de "Première dame de Batouri". De Noël (avec de la neige et une crèche vivante) au 14 juillet (déguisements obligatoires) en passant par moult "goûters-chapeaux" à la Résidence, c'est, n'oublions pas, "la France qui reçoit". D'une naïveté gentiment ridicule, convaincue de "la mission civilisatrice des territoires sauvages"par notre beau pays, Madame Dubois s'arc-boute sur ses utopies tandis qu'autour d'elle, tout se déglingue : une mystérieuse épidémie de gangrène gazeuse décime la population, le pasteur meurt sous la charge d'un buffle, l'infirmier se fait trucider...
Derrière l'humour, Paule Constant, qui a passé la majeure partie de sa vie outre-mer, cache une vraie tendresse envers ces fonctionnaires coloniaux, aussi décriés en Afrique que déclassés en France. Du grand art !

Marianne Payot

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Le Nouvel Observateur, semaine du 31 janvier au 6 février 2013.

Mme Bovary en Afrique

Paule Constant, qui a grandi au Cameroun, se souvient d'une Française qui voulait civiliser les indigènes. Un roman corrosif.

Son enfance africaine, Paule Constant l'a racontée dans son premier roman Ouregano, une charge virulente contre le colonialisme. Trente ans plus tard, elle revient sur ses pas pour offrir une vision plus nuancée de l'histoire. A l'origine du livre, ses retrouvailles supposées avec Mme Dubois, la femme de l'administrateur de Batouri : elle l'accuse d'avoir "craché dans la soupe" qui l'avait nourrie. Dès lors, l'auteur décide de faire revivre Mme Dubois au temps de sa splendeur.
Arrivée au Cameroun pour y suivre son mari, la native d'Yvetot entend bien y exercer sa mission civilisatrice. Ignorante et bovaryste, elle joue les Parisiennes et raconte son pays à son boy Djebé sous des couleurs des plus chatoyantes - d'où l'expression de ce dernier "C'est fort la France!" Sans jamais rien comprendre à l'Afrique, elle y impose ses propres coutumes, dont les "goûters-chapeaux", où les invitées se doivent d'arborer un couvre-chef. Mme Dubois puise sa science mondaine dans un "Guide à l'usage des femmes de fonctionnaires de la coloniale", lequel dispense d'indispensables conseils sur la façon de recevoir un prélat en brousse ... La folie de cette femme émouvante et ridicule emporte ce roman débridé. D'autres personnages extravagants le traversent, tels l'énorme Alexandrou dans sa boutique capharnaüm, le calamiteux Bodin, responsable de la léproserie, ou la douteuse bistrotière Mme Tong. Et enfin le pasteur dont la fin tragique – il est encorné par un buffle - constitue le point d'orgue du récit.
Paule Constant ne cherche pas à donner une suite logique aux événements. Elle restitue plutôt le maelström d'émotions vécues par une fillette dans une enclave peuplée de personnages faibles et brouillons. Qui se suspectent mutuellement d'être des bons à rien dont la métropole s'est débarrassée en les affectant dans un trou perdu.
Malgré le désir affiché d'adoucir l'aspect corrosif du premier roman, ce nouveau livre se révèle au contraire d'une rare férocité. Paule Constant réussit à rendre attachants certains de ses personnages. Cependant elle finit par les dépecer, comme la foule en colère s'acharne sur les corps mêlés du buffle et du pasteur. La grâce du texte réside cependant dans sa légèreté et sa drôlerie. Car, écrit-elle, "l'immensité, le hors-norme de l'Afrique ne peut s'appréhender qu'à travers l'humour". Humour qu'elle a vu pratiquer chez les Africains durant cette enfance mouvementée qui fournit le terreau de sa vocation d'écrivain.

Claire Julliard

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La Revue (57 bis rue d'Auteuil, 75016 Paris), février 2013

Bienvenue à Batouri

II arrive que le seul titre d'un livre suscite une irrésistible envie de le lire. Tel a été le cas, pour l'auteur de ces lignes, du dernier roman de Paule Constant. Le titre au demeurant trouve son explication dès la deuxième page. L'histoire se passe à l'époque de la colonisation française en Afrique. Madame Dubois, la femme de l'administrateur de Batouri, dans l'Est du Cameroun, essaie de décrire à Djébé, son boy, la magnificence des vaches de sa Normandie natale : hauteur au garrot, ampleur de la croupe, volume des mamelles. Jusqu'à ce que le domestique, convaincu par la démonstration, lâche cette phrase : « C'est fort la France. »
Le texte de Paule Constant, Prix Goncourt 1998 avec Confidence pour confidence, est en fait une suite de son premier roman, Ouregano, paru en 1980 (chez le même éditeur). Tout part d'une lettre que la dame Dubois précitée lui a envoyée pour lui reprocher la manière dont elle avait, dans ce livre, largement autobiographique, raillé la colonisation française dans ce coin perdu du Cameroun à la veille de l'indépendance. Confrontant ses souvenirs à ceux de la veille femme, dont elle devient la confidente, l'auteur fait revivre la vie de la communauté blanche, ses contradictions, ses rites surannés, ses tragédies. Comme cet épisode où un pasteur canadien, parti chasser le buffle pour fournir de la viande à la léproserie du village, est tué par un animal qui s'est retourné contre lui. Au final, la narratrice garde son point de vue sur le monde colonial, qu'elle décrit avec une ironie féroce. Cela ne l'empêche pas de restituer avec une certaine empathie l'univers de la femme de l'administrateur que seul l'amour des bêtes et des plantes ancre dans un terroir qui lui reste totalement incompréhensible.
Dans ce livre à aucun moment ennuyeux, l'intensité dramatique du récit est servie par une écriture d'une élégance rare.

D.M.

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France-info (www.franceinfo.fr), 9 février 2013

"Le livre du jour : C'est fort la France ! de Paule Constant"

L'histoire n'est jamais douce avec ceux qui l'ont faite. C'est ce que rappelle Paule Constant dans son nouveau roman. Elle vient d'être élue à l'Académie Goncourt. Un face à face entre deux femmes très différentes : l'une a représenté la République dans l'Afrique coloniale tandis que l'autre, devenue romancière, était une petite fille de médecin attentive et sensible à ce qu'elle voyait. Deux regards sur la colonisation et la décolonisation. Un roman d'une virtuosité époustouflante, plein d'humour et politiquement incorrect.

Interview

Philippe Vallet

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France-inter, 10 février 2013

"Cosmopolitaine : C'est fort la France! de Paule Constant"

•  Présentation :

Les romans, par définition, disent toujours la vérité. Leur subjectivité est la garantie de cette vérité. Ainsi, le regard de l'écrivain, transformé au fil des ans en souvenir, puis transcendé, devient littérature.
Mais que se passe-t-il lorsque la littérature vient se heurter aux intimes convictions d'un personnage extérieur à elle? Que se passe-t-il lorsque la vérité de l'écrivain exhume les souvenirs d'un personnage oublié? Et bien cela donne encore un roman, une nouvelle vérité, une interprétation enrichie du regard de l'autre. C'est en tout cas ce qui s'est passé lorsque Madame Dubois a lu Ouregano, publié en 1980, et qu’offusquée elle s'est fendue d'une lettre dénonçant le mépris de l'auteur vis- à-vis de la France coloniale.
Et nous voilà projetés à Batouri, une toute petite ville du Cameroun à 400 kilomètre de Yaoundé. Étrange fruit de la maladie du sommeil, puisqu'elle est née d'une antenne
médicale ayant pour objectif de combattre le trypanosome. Plus tard, elle s'est enrichie d'une léproserie et d'un orphelinat.
Quant à la maladie du sommeil, elle semble toucher à sa manière certains membres des colonies. La fautive n'est alors pas la mouche tsé-tsé, mais bien l'idéalisation de la métropole, le fantasme d'une mission patriotique accomplie sous forme de don de soi. C'est en tout cas dans cette profonde léthargie que semble avoir sombré madame Dubois, qui n'est autre que la femme de l'administrateur de Batouri ...
Régnant sur cette petite colonie où les tribus sont en conflit permanent, perdue dans les contradictions inhérentes à sa condition, Madame Dubois distribue des compliments aux sages élèves de l'orphelinat, se montre bienveillante vis-à-vis du personnel dont elle s'enorgueillit d'avoir fait l'éducation, et rêve de chapeaux à fleurs, de service à thé, et de réceptions sous le soleil flamboyant du drapeau tricolore.
L'écrivain, qui a passé une partie de son enfance au cœur de cette même colonie, fille d'un médecin engagé et idéaliste, revisite son passé à la lumière des propos de cette étrange vieille femme qui suscite en elle tant la perplexité que la raillerie mais aussi la compassion et la tendresse.
Nous découvrons alors l'envers d'un décor que l'on croyait blanc ou noir, en réalité teinté de gris et de claires obscures.
Un roman tel un voyage dans le temps, où le jeu des miroirs déformants de la mémoire est admirablement reconstitué par l'écriture précise, harmonieuse et élégante de Paule Constant,
qui, avec beaucoup d'humour, tendresse et férocité raconte un monde aujourd’hui révolu mais qui hante toujours notre belle histoire de France.
Madame Dubois, droite dans ses bottes, luttera corps et âme pour entretenir les traditions de sa belle République. S'acharnant à dicter les codes d'une bienséance n'appartenant plus depuis fort longtemps à aucun monde.
Mais que voulez-vous, on s'accroche à ce qu'on peut. Pouvez-vous convaincre un noyé que se débattre est peine perdue ?

Marie-Madeleine Rigopoulos

Interview par Paula Jacques

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Le Point, 14 février 2013.

Retour au Cameroun
Paule Constant, Prix Goncourt 1998, renoue avec l'Afrique. Trop fort !

Paule Constant est entrée en littérature en 1980 avec Ouregano, roman de son enfance camerounaise. Elle reprend aujourd'hui la route de l'Afrique dans un livre auquel la distance et le travail du temps donnent une profondeur remarquable, sans que la vivacité de l'écriture y perde. Dans C'est fort la France ! , l'auteur s'est choisi un double : une romancière prénommée Brigitte, qui a signé jadis un roman incisif sur la vie coloniale dans les années 50 à Batouri, au fin fond du Cameroun. A l'époque, une lectrice lui écrivit pour lui reprocher une vision jugée partiale. Et lui envoya d'autres lettres. Les années passent jusqu'à ce que l'écrivain recon naisse en elle l'un de ses personnages : Mme Dubois, l'épouse de l'administrateur colonial. Elle lui rend visite : leurs échanges vont nourrir ces pages, entre l'Afrique et la France, le passé et le présent, mais aussi entre la fiction et la réalité - ou plutôt les réalités, si différentes, selon les points de vue...
Forte de ce dialogue, la narratrice, qui a grandi dans ce coin perdu d'Afrique entre un père médecin et une mère fantasque aux idées d'avant garde, met au jour des épisodes de son enfance qu'elle avait occultés dans son roman par incompréhension des conditions de vie d'un poste colonial. Son regard ne cesse d'évoluer, notamment sur son interlocutrice, Normande déracinée rêvant pour sa «Résidence» d'un train de vie digne d'une ambassade, et que son
fidèle boy remplira d'aise le jour où, après qu'elle lui a vanté la beauté des campagnes françaises, ce dernier
lui répond : « C'est fort la France ! »
C'est fort la France ? Assez fort aux yeux de cette femme qui considère l'avoir servie sans démériter. Au nom de quoi cette romancière a t-elle pu la juger ? Comment survit-on de part et d'autre aux mensonges de la colonisation ? Ce sont les questions majeures de ce livre dont les descriptions cocasses et tragiques des années camerounaises alternent avec la gravité des confidences parisiennes. Ainsi « scénarisé », le recul de l'écrivain pris sur l'intime, l'histoire et l'écriture n'en est que plus poignant. Au bout du compte, seule et malade, la vieille dame désignera ainsi sa confidente au médecin : « C'est ma romancière, elle seule sait ce qu'il faut faire. » Du pouvoir de la littérature.

Valérie Marin La Meslée

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The Lion, février 2013

Plaisir de lecture ... C'est fort la France !

Une écriture chaleureuse et colorée.
Un portrait fort, ironique et féroce.

Paule Constant retrouve ici le souvenir de sa vie en Afrique, qui avait inspire son premier livre Ouregano (1980), White Spirit (Grand Prix du roman de l'Académie Française 1989) et Balta (1983). Sa narratrice (qui lui ressemble beaucoup), une romancière née en Afrique, retrouve en France Madame Dubois qui l'a connue trente ans plus tôt au Cameroun. Madame Dubois reproche a la romancière d'avoir fait dans son roman Ouregano une peinture caustique de la vie coloniale. Dans un récit à la chronologie bousculée, Paule Constant évoque les épisodes de ces vies parallèles. Le père de la narratrice, médecin intègre et idéaliste, est confronté aux exigences matérielles de l'administrateur Dubois. Autour d'eux, s'agite un microcosme artificiel qui possède ses codes, ses traditions et son folklore. Un monde où se côtoient incompétence et rivalités, mondanités dérisoires et misère, maladies et épidémies face a un inquiétant manque de moyens, croyances tribales et illusion de mission civilisatrice. Paré d'une écriture chaleureuse et colorée, cela
donne un portrait fort, ironique et féroce d'un univers teinte d'exotisme et nimbé du parfum suranné d'une epoque déjà lointaine.

Pierre Schavey

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Le Figaro littéraire, 21 février 2013

Faune africaine

PAULE CONSTANT. Le microcosme colonial vu avec les yeux de l'enfance.

JAMAIS la verve de Paule Constant n'est aussi explosive que lorsqu'elle évoque son enfance africaine. Alors, elle devient la sœur du Céline de la Bambola-Bragamance dans Voyage au bout de la nuit. Trente-trois ans après Ouregano qui dépeignait une petite fille dans la brousse camerounaise, elle revient sur un personnage emblématique, Madame Dubois, épouse de l'administrateur colonial qu'elle retrouve à Paris bien après les événements. C'est l'occasion d'une confrontation des souvenirs. Mais la mémoire, chez le romancier, est une occasion de solliciter l'imaginaire plus riche encore de réalité.
Paule Constant nous offre par bonheur autant de versions vraies de son enfance que Duras de son amant chinois. Les créateurs inventent toujours la verite profonde ! II s'agit d'éclaircir aussi un autre malentendu. Car la romancière a donné a l'époque, semble-t-il, une satire de la mission civilisatrice de la France. Mais c'est surtout de l'homme fondamental que Paule Constant cloue le portrait, colonie ou pas. Sa radicale cruauté est la !

Désastre burlesque
L'avantage du microcosme colonial est de grossir le carnaval humain par un effet de loupe. Il faut dire que maman Dubois est pathétique, dans son effort désespéré de sauvegarder l'étiquette et la légende de la patrie au fin fond du Cameroun inconnu. Parade une faune ahurissante. Comme cette restauratrice Madame Tong qui tient le Miammiam-glou-glou. Sa guenon pelée sert l'apéro. Cette Indochinoise s'est surtout enrichie en faisant tailler par les lépreux des chaussures de caoutchouc dans des pneus usés. Car dans la pénurie générale, chacun y va de ses trafics.Le tenancier du bazar, de mèche avec un médecin marron, vend à la léproserie des médicaments de contrebande et de la viande de zébu étique. Un duel oppose le père de la narratrice qui tient l'hôpital et l'administrateur, le mari de Madame Dubois. Les deux ethnies locales se crêpent le chignon. Ce cocktail tournera à l'émeute et à la tuerie après une chasse au buffle mémorable... Seul un poulet tout nu, oui, déplumé mais vivace, concentré dans la foudre de son œil survit, lui, apocalyptique, à un assaut de fourmis. C'est une scène édifiante de cette saga des tendresses !
Les adultes ne peuvent bien sûr imaginer comment la narratrice, petite fille, a vu tout cela. Une source de traumatismes tus et de phobies robustes qui vous transforment en romancière féroce et comique. Car le burlesque marche avec le désastre. Fille de médecin, Paule Constant connaît les lèpres et les doses, elle nous administre la fiole létale.
L'Afrique, comme on sait, est une partie ou souvent tout le monde perd. Seul ce roman furieux est victorieux.

Patrick Grainville

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L'Hebdo (Suisse), 14 février 2013

Et vive la France

Paule Constant replonge dans les colonies de son enfance. Épatant.

Le tout premier Paule Constant, paru en 1980, s'intitulait Ouregano et plongeait dans ses souvenirs de gamine élevée dans la brousse des colonies africaines. Trente ans plus tard, après une carrière impeccable, un Femina, un Goncourt, plusieurs romans consacrés à l'éducation des filles, d'autres basés en Amérique ou en Afrique, la résidente d'Aix-en- Provence revient sur ses pas pour offrir l'autre face de l'histoire.
C'est qu'entre-temps elle a reçu une lettre d'une lectrice lui reprochant de s'être moquée de leur communauté. La lectrice se révèle être Mme Dubois, veuve de l'administrateur qui régnait sur ce petit poste français de Batouri, village du fin fond du Cameroun à la veille de l'indépendance.
La narratrice retrouve Mme Dubois, constate sa fin de vie misérable et solitaire en France et entreprend de raconter l'époque de sa splendeur, lorsque, convaincue de sa mission civilisatrice, dans une sorte de folie émouvante et ridicule, elle tentait de vivre selon son rang de première dame de Batouri alors qu'autour d'elle tout se déglinguait.
Naviguant entre passé et présent, Paris et Batouri, souvenirs et fiction, C'est fort la France! réussit le tour de force de manifester une empathie certaine pour ces colons confrontés aux mystères de l'Afrique tout en gardant intacte l'ironie féroce et jouissive dont Paule Constant fait à merveille preuve depuis Ouregano. Terreau de sa vocation d'écrivain, cette enfance mène ici à une réflexion bouleversante sur la civilisation et ses fantasmes, l'intelligence des uns qui n'est pas celle des autres, et la manière dont, romancière ou pas, on construit avec les briques de son passé une fiction inébranlable.

Isabelle Falconnier

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Pèlerin, 27 février 2013

C'est fort la France ! de Paule Constant

En plongeant dans C'est fort la France !, le lecteur ne se sent guère dépaysé. L'Afrique, les Noirs, les Blancs... Paule Constant convoque le même décor que dans son premier roman, Ouregano. Mais son interprétation de l'histoire coloniale se veut plus nuancée. Persuadée qu'« il n'y a pas de vérité, mais des points de vue », l'auteur confronte les souvenirs de deux femmes, témoins, dans les années 1950, de la colonisation au Cameroun : Madame Dubois, épouse nostalgique d'un fonctionnaire, et la petite fille d'un médecin, alors âgée de 6 ans, découvrant l'Afrique depuis un hôpital de brousse. Le décalage entre leurs regards se révèle aussi comique que saisissant.

E. C.

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Le Soir (Bruxelles), 22 février 2013.

C'est fort la France ! de Paule Constant. Deux versions d'une même réalité.

Quand elle a publié Ouregano, son premier roman, en 1980, Paule Constant s'est fait incendier sur le plateau d'Apostropnes par Jean Cau.Celui-:ci ne partageait pas la vision de l'Afrique qu'elle s'était forgée lors des années d'enfance passées dans cette région du monde. Jean Cau n'était pas le seul. Une lectrice s'en prenait à elle : "Elle m'accusait d'avoir roulé dans la boue les fonctionnaires coloniaux, de ne rien comprendre au colonialisme et de cracher dans la soupe qui m'avait nourrie." Cette lectrice, Mme Dubois, femme de l'admînistrateur local et personnage d'Ouregano, avait vécu les mêmes événements. La romancière retrouve cette femme, lui parle et la confrontation des deux versions fournit l'ossature de son nouveau roman.
La nouvelle académicienne Goncourt s'est autorisé toutes les libertés. Entre ce qui a l'apparence du vrai et ce qui a réellement été à l'origine de C'est fort la Françe !, l'écart est peut-être considérable. Il s'agit pourtant bien de proposer, dans le même livre, !'endroit et l'envers d'une même réalité, les bienfaits et les méfaits de la colonisation.
Le résultat est formidable,
Mme Dubois est plus pathétique que ridicule, noyée par ses rêves de grandeur et l'obsession d'être à la hauteur
du pays qu'elle croit représenter. Surtout, la galerie de portraits dont Paule Constant peuple Batouri fournit la matière d'une étude de cas intéressants. Parmi eux, Bodin, qui vaccine à la volée et finit par provoquer une épidémie due â sa négligence. Et tant d'autres, plus vrais que nature.

P. My

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France 3. fr, 28 février 2013

Un livre un jour : C'est fort la France ! de Paule Constant.

Vidéo (2min57)

Olivier Barrot

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Librairie Thuard (Le Mans), le blog, 25 février 2013.

C'est fort la France ! Paule Constant

Dans les années 80, Paule Constance a écrit plusieurs romans dans lesquels elle se servait de ses souvenirs d'Afrique, où elle a vécu étant enfant. Fille de médecin, elle a été élevée dans village du Cameroun: Batouri. L'auteure reçoit un jour une lettre d'une certain Mme Dubois, qui n'est pas du tout d'accord avec ce qu'elle dit de la colonisation.
Cette femme a bien connu Batouri puisqu'elle était la femme de l'administrateur colonial. Les retrouvailles de ces deux femmes vont être l'occasion de confronter deux visions diamétralement opposées de la colonisation.
C'est l'occasion pour l'écrivain de décrire le petit milieu colonial avec ses rites, ses personnages haut en couleur, ses ridicules. Au milieu de cette foule bigarrée trône Mme Dubois, fraîchement débarquée de sa Normandie natale, toute dévouée à son administrateur de mari, ferme avec ses boys et tentant coûte que coûte d'inculquer à tous les usages de la bonne société française dont elle se veut la représentante. C'est elle la véritable héroïne tragicomique de ce roman qui dénonce avec malice les absurdités de la colonisation.
La société de Batouri est une société de castes, où noirs et blancs en se mélangent pas, où les rapports humains sont déterminés par la race et le rang social, et où le tragique peut surgir à tout moment.
Un très bon livre sur un sujet difficile qui ne sombre jamais dans le manichéisme.

Jean

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La Plume francophone, 1er mars 2013.

Paule Constant, C'est fort la France !

Histoires coloniales
  (après les 1ères lignes, cliquer sur "Lire la suite" pour obtenir le texte complet.)

Sandrine Meslet

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L'Humanité, 14 mars 2013

Les Afrique fantômes d'une dame blanche
Paule Constant nous plonge dans les années 1950 au Cameroun et l'existence ratée d'une femme mal-aimée.


Dans son dernier roman, Paule Constant (prix Goncourt pour Confidence pour confidence, 1998, Gallimard) nous livre le point de vue de la femme d'un administrateur des colonies, Madame Dubois, durant les années 1950 en Afrique. Cette moyenne bourgeoise de brousse seulement esquissée dans Ouregano (Gallimard, 1980), a suivi son époux à Batouri, au fin fond du Cameroun. La ville, située à quatre cents kilomètres de Yaoundé la capitale, doit sa naissance à la maladie du sommeil transmise par la mouche tsé-tsé, l'antenne médicale ayant été installée en pleine zone endémique. Esprit obtus, à cheval sur les principes, Madame Dubois a beau faire des efforts, elle appréhende l'Afrique comme beaucoup de fonctionnaires blancs à partir de ses préjugés, voire de ses fantasmes, et toujours en regard d’une France qui symbolise l’ailleurs. Le titre de l'œuvre, C'est fort la France !, n'est autre que l'expression ironique prononcée par Djébé, son "boy", quand elle lui vante l'ampleur des pis des vaches normandes. Ni belle ni laide, vite fanée par ce climat impossible, cette femme entre deux âges inconsistante et maltraitée par son époux, un petit homme alcoolique et sans prestance, finit par paraître sympathique au point qu’on dirait que Paule Constant a voulu brosser le portrait de la féminité délaissée. Perdue dans un monde qui la dépasse, Madame Dubois est désireuse de mettre des mots sur ce qu'elle ne comprend pas. Une fois veuve, elle échoue dans une chambre de bonne d'un quartier chic de Paris où elle reconstituera son Afrique fantôme, après un retour honteux au pays natal.
Aucune approche sociologique apparente dans cette sorte dc roman colonial à la fois pince-sans-rire et empreint d'une sagesse « africaine », qui nous emmène dans les coulisses de la sempiternelle « mission civilisatrice » de la France. Outre Madame Dubois, Paule Constant dépeint une romancière (autoportrait ?), fille d'un médecin blanc volontaire pour Batouri, ce qui lui permet la mise en tension de deux mémoires confrontées à la même microsociété. C'est fort la France ! raconte quelques épisodes gratinés des mentalités d'alors : administration incompétente, trafics de viande et de médicaments, "grand silence vaccinal" face aux ravages d'une épidémie de gangrène gazeuse, susceptibilités tribales mal comprises. En sous-main, elle laisse entendre la dissidence noire qui sourd de cette Afrique, dont elle écrit n'avoir qu'"une expérience brute et des souvenirs d'enfant pour tout savoir", Paule Constant a su tirer le matériau de plusieurs fictions.

M. S.


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Le Nouvel Observateur (Blogs > Invités Obs > Des livres et moi), 28 mars 2013.

Paule Constant, la bête à humour

Marie-Dominique Godfard

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La Cause Littéraire, 30 avril 2013

C'est fort la France !, Paule Constant

Theo Ananissoh

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Le Courrier (Genève) 19 mai 2013

Paule Constant, l'espiègle

Eugène Ebodé

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Accents des Bouches-du-Rhône, juin 2013

Oui, c’est fort la France !

Avec un titre qui prête déjà à sourire "C'est fort la France", le dernier Iivre de Paule Constant nous entraîne dans un voyage jubilatoire au fin fond de l'Afrique noire des années 1950. A Batouri, loin de partout, à 400 km de Yaoundé, où sévit dans les années 1950 une tribu de blancs mandatés par notre beau pays, la France, "pour civiliser des territoires sauvages”.
Tout est rare à Batouri, l'eau, l'électricité, les médicaments, et pourtant chaque jour on y célèbre la grandeur de la France qu'on idéalise et dont on ne cesse de vanter les vertus et les richesses, les vaches normandes et l'argenterie grand siècle, à une armée de boys toujours au garde à vous.
L’héroïne de cette fresque hilarante est Mme Dubois, épouse de l'administrateur de cette petite colonie perdue dans la brousse, infestée de moustiques.
Pour avoir vécu une grande partie de sa vie outre-mer, Paule Constant maîtrise à la perfection ses personnages : Madame Dubois, la petite d'Yvetot, grisée par son ascension depuis ses épousailles, campe à merveille "la France qui reçoit” imposant
Noël sous les tropiques, et bal déguisé pour le 14 juillet. Un tout petit monde que cette tribu de blancs arc-boutés sur leurs utopies tandis qu'autour d'eux tout fout le camp, Conflits ethniques, pénurie de médicaments, malversations aiguisées par des margoulins...
Et quand la révolte gronde, tout devient alors possible. Inutile de rejouer Austerlitz, la simple mort d'un phacochère peut à elle seule changer l'Histoire, la grande, le destin de toute une colonie! Avec un humour décapant, Paule Constant cisèle toutes les turpitudes et péripéties des colons de Batouri. Mais campe aussi leurs faiblesses face à une solitude immense.
"C'est fort la France" est ainsi un livre très drôle, plein de mordant mais où l'on sent cependant de la tendresse, de l'empathie envers ces exilés qui quittaient leur famille, leurs attaches, sans savoir qu'ils seraient un jour plus vraiment de France, ni d'ailleurs; étrangers ici et dans leur propre pays.

C. C.

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Céline Malraux, 8 mai 2013.

Mon livre du moment : "C'est fort la France !" de Paule Constant.

Les amis qui vous font découvrir un univers littéraire sont précieux. Je me sens donc un peu plus riche depuis que j’ai découvert, grâce à une amie, que Paule Constant était une conteuse douée, qui sait se perdre dans les détails d’une fiction tout droit sortie de son imagination pour en sortir une vérité universelle, décapante ou fertile – (dont j’ose espérer qu’elle existe, dans ma vanité d’auteure en devenir). Ce roman, qui mérite pleinement cette classification, bien que prenant la forme d’un récit d’enfance, porte d’abord un titre étonnant, et en fait, à mon sens, pas très attrayant, à une époque où insérer le mot France en haut d’un texte suscite immanquablement toutes sortes de soupçons. On devine pourtant l’ironie sous-jacente derrière cette exclamation à la bonne franquette, qui revient à deux reprises plutôt grinçantes au cours du récit.
Dans cet opus de Paule Constant, un regard sur l’entreprise coloniale française, on est dans un décalage permanent et particulièrement bien mené. Décalage à la fois dans l’angle d’attaque – une Afrique comme on n’en parle peu ou pas-, et dans le temps – puisque les personnages (fictifs) revisitent leur passé (tout aussi fictif), selon le principe de reconstruction inhérente au travail de mémoire. Tout d’abord, la forme. Je reprends ici quelques mots de la quatrième de couverture, car je ne saurais mieux résumer le récit. « Une romancière reçoit une lettre lui reprochant de s’être moquée, dans son dernier livre, des charmes de la vie coloniale, et surtout d’avoir masqué les vrais drames qui s’étaient déroulés trente ans plutôt à Batouri, dans un coin perdu du Cameroun. Lui rendant visite à Paris, elle reconnaît dans sa correspondante madame Dubois, la femme de l’Administrateur qui régnait sur ce petite poste français au cœur de la brousse lorsqu’elle-même avait six ans. En comparant ses souvenirs avec ceux de madame Dubois, la narratrice fait renaître dans une évocation féroce, véritable apocalypse comique, ce monde disparu aux couleurs de l’Afrique, où madame Dubois maintenait les rites surannés d’une métropole idéalisée. »
Les faits évoqués se déroulent donc, on l’aura compris, avant l’indépendance, dans un arrière-arrière poste où n’accèdent que ceux qui n’ont eu ni les compétences ni l’entregent d’obtenir mieux. Le monde y est hostile. Pourtant, Madame Dubois se bat, en toute sincérité, chaque jour qu’un Dieu fait (dont on doute qu’il soit bienveillant), pour être à la hauteur d’une image d’Epinal de la France dont elle sait finalement assez peu, l’ayant quittée tout juste unie à son administrateur des colonies de mari. Page après page, on assiste à une démythification autant qu’à une démystification sans complaisance de cette vie des Blancs métropolitains soi-disant bien installés au frais de la République, en fait étrangers en cette terre de soleil, déracinés, méprisés chez eux, plongés dans cette réalité diminuée, condamnés à nager entre deux eaux.

L’originalité de cette langue tient dans la forme à sa poésie et dans le fond à cette ultime transcendance des clichés, qui décrit une vie dure, isolée, peu enviable, où ceux qui se croyaient bien intégrés étaient, dans leurs meilleurs jours, tout juste tolérés. Où les conventions absurdes d’une métropole qui se fichait bien d’eux tenaient lieu d’agenda et apportaient un semblant de sens au quotidien, tel un coq gaulois non averti du décalage horaire mais dont on ne mettrait pas en doute l’instinctive ponctualité. Où le ridicule le disputait au sordide, où les bonnes intentions s’arrêtaient au choc des civilisations. Où les porteurs de bonnes intentions n’avaient que peu d’intérêt pour les pays qu’ils se croyaient investis de sauver, mais beaucoup, en revanche, pour celui – au drapeau tricolore – auquel ils étaient si fiers d’appartenir. La démonstration d’une illusion, féroce et tendre à la fois, orchestrée méthodiquement, sous le faîtage d’une plume riche, précise, comique et… exclamative.

Céline Malraux                                                                                                                                                                                                                                                           
http://celine-malraux.com/mon-livre-du-moment-cest-fort-la-france-de-paule-constant/

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Yassi Nasseri, 26 septembre 2103

Les souvenirs de ma réalité.

Quel délicieux roman que cette dernière publication de Paule Constant. Comme c’est bon de lire la plume d’une romancière dans l’âme. Car qui donc pourrait nous charmer, aller jusque nous faire aimer une protagoniste parfaitement quelconque voire légèrement méprisable par moments ?!
L’épouse d’un petit homme devenu administrateur dans une région reculée d’Afrique a perdu sa France, perdu sa place parmi les siens, perdu aussi la capacité d’engendrer. Elle s’ingéniera alors à construire un monde solide qui sera sa France en Afrique. Fatalement de retour en France, oubliée de tous il lui faudra bâtir son Afrique en France, dans un tout petit appartement parisien…
Par son malheur, dont le dérisoire forme la tragédie, elle sera touchante. De ses lunettes de vue à petite portée elle nous offrira un aperçu grand écran de la colonisation et surtout de la réalité cachée de ce continent Africain, envoutant et complexe s’il en est.
La narratrice est une jeune écrivaine qui a élaboré un roman centré sur l’Afrique qu’elle a connue lorsqu’elle avait six ans, aux côtés de ses parents expatriés. Notre fameuse épouse de l’Administrateur, en poste à l’époque dans ce même village, s’insurgera contre cette narration peu fidèle sà la réalité selon elle. Leur rencontre pourra faire renaître ce monde surgi du passé…

Yassi Nasseri
http://www.kimamori.fr/au-gre-des-voyages/les-souvenirs-de-ma-realite/#more-3780

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